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Expériences sur l’effet du conflit électrique sur l’aiguille aimantée (1820)

    Par M. J. Chr. OERSTED
    Professeur de physique dans l’Université de Copenhague.

    Traduction (le mot original conflict est orthographié conflit pour plus de clarté)

    Les premières expériences sur l’objet que j’entreprends d’éclaircir ont été faites dans les leçons que j’ai données, l’hiver dernier, sur l’électricité et le magnétisme. Elles ont montré en général que l’aiguille aimantée changeait de direction par l’influence de l’appareil voltaïque; et que cet effet avait lieu lorsque le circuit était formé, et non lorsqu’il était interrompu: procédé que des physiciens célèbres avaient vainement essayé il y a quelques années. Mais comme mes expériences avaient été faites avec un appareil peu énergique, et dont l’effet n’était pas aussi frappant que l’importance du fait à établir le méritait, j’invitai mon ami Esmach, conseiller de justice de S.M., à se joindre à moi pour les répéter avec un appareil plus considérable. Nous eûmes encore pour associé et témoin M. le chevalier Vlengel, les savants MM. Hauch, Reinbardt, professeurs d’Histoire naturelle, Jacobsen, professeur de médecine et très habile chimiste, et Zeize, professeur de philosophie. J’ai fait aussi quelques expériences, à moi seul ; et lorsqu’elles m’apprenaient quelque chose de nouveau, j’avais soin de les répéter en présence de ces hommes éminents dans la science.

    Dans les détails qui vont suivre, j’omettrai tout ce qui m’a conduit à la découverte, et je me bornerai aux faits qui la constatent.

    Notre appareil voltaïque était composé de vingt loges de cuivre rectangulaires contiguës, dont la longueur et la hauteur étaient d’environ 12 pouces, et la largeur d’environ 2 pouces et demi. Chaque loge est formée de deux lames de cuivre inclinées, de manière qu’elles puissent porter la baguette de cuivre qui soutient la lame de zinc dans l’eau de la loge voisine. L’eau dont on remplit les loges contient 1/60 de son poids d’acide sulfurique, et un autre soixantième d’acide nitrique. La portion de chaque lame de zinc plongée dans ce liquide est un carré dont le côté est d’environ 10 pouces. On peut employer des appareils moins puissants, il suffit qu’ils soient capables de faire rougir un fil de métal.

    On met en communication les pôles opposés de l’appareil voltaïque, par un fil de métal que nous appellerons, pour abréger, le fil conducteur ou conjonctif; et nous désignerons l’effet qui se manifeste dans ce conducteur et autour de lui pendant l’action voltaïque, par l’épithète de conflit électrique.

    Qu’on suppose maintenant que la partie rectiligne de ce fil soit horizontale, et placée au-dessus et parallèlement à une aiguille de boussole librement suspendue. II faut, de plus, que l’appareil soit constitué de manière qu’on puisse à volonté fléchir le fil conjonctif pour donner à sa partie active la position qu’exige l’expérience.

    Dans celle qu’on vient de supposer, l’aiguille aimantée se mouvra, de manière que sous la partie du fil conjonctif qui est la plus rapprochée du pôle négatif de l’appareil, elle déclinera vers l’ouest.

    Si le fil n’est pas à plus de trois quarts de pouce de l’aiguille, la déclinaison de celle-ci fait un angle d’environ 45 degrés. Si l’on augmente la distance, l’angle décroît à proportion. D’ailleurs, la quantité absolue de cette déviation varie selon que l’appareil est plus ou moins puissant.

    On peut changer la direction du fil conjonctif vers l’est ou vers l’ouest, pourvu qu’il demeure parallèle à l’aiguille, sans aucun changement dans le résultat que sous le rapport de son étendue; d’où il suit que l’effet ne peut pas être attribué à l’attraction; car le même pôle de l’aiguille qui se rapproche du fil conjonctif lorsqu’il est du côté oriental, devrait s’en éloigner lorsqu’on le place du côté occidental, si ces déclinaisons dépendaient d’attractions ou de répulsions. Le conducteur peut être composé de plusieurs fils ou bandelettes réunies en faisceau. L’espèce du métal qu’on y emploie ne change pas l’effet, mais elle influe peut-être sur son étendue. Nous avons employé avec un égal succès des fils de platine, d’or, d’argent, de laiton et de fer ; des bandelettes de plomb et d’étain, et du mercure. Lorsqu’on interrompt le circuit par de l’eau, le conducteur ne perd pas tant son effet à moins que son interruption n’ait lieu sur un espace de plusieurs pouces.

    L’effet du fil conjonctif sur l’aiguille aimantée a lieu au travers du verre, des métaux, du bois, de l’eau, de la résine, des vases de terre cuite et des matières pierreuses. Toutes ces substances interposées entre le conducteur et l’aiguille ne paraissent pas diminuer sensiblement l’influence de l’un sur l’autre. Il en est de même si l’on interpose entre eux le disque d’un électrophore, une bande de porphyre, une soucoupe pleine d’eau. Nous avons éprouvé que la même influence s’exerce sur l’aiguille lorsqu’elle est placée dans une boîte de laiton remplie d’eau. II n’est pas nécessaire de remarquer que le passage de l’électricité, ou ordinaire, ou voltaïque, au travers de ces diverses substances, n’avait pas encore été observé. Ainsi, les effets qui se manifestent dans le conflit électrique sont très différents de ceux que l’action de l’un ou de l’autre pôle, considérés séparément, peuvent produire.

    Si le fil conjonctif est disposé horizontalement sous l’aiguille, les effets sont de même nature que ceux qui ont lieu quand il est au-dessus d’elle; mais ils s’opèrent dans une direction inverse, c’est-à-dire que le pôle de l’aiguille sous lequel se trouve la partie du fil conjonctif qui reçoit l’électricité négative de l’appareil décline alors vers l’orient.

    Pour se rappeler plus facilement ces résultats, on peut les rattacher à cette formule, savoir : que  » le pôle au-dessus duquel entre l’électricité négative décline vers l’occident, et vers l’orient, si elle entre au-dessous de lui.  »

    Une aiguille de laiton suspendue à la manière de celles d’acier n’est point mise en mouvement par l’influence du fil conjonctif. II en est de même d’une aiguille faite de verre ou de gomme laque.

    Considérons pendant quelques instants l’ensemble de ces phénomènes.

    Le conflit électrique n’agit que sur les particules magnétiques de la matière. Tous les corps non magnétiques sont perméables au conflit électrique; mais les corps magnétiques, ou, pour mieux dire, les particules magnétiques de ces corps, résistent au passage de ce conflit, de manière à pouvoir être mises en mouvement par l’action de ces forces qui luttent ensemble.

    Il paraît, d’après les faits exposés, que le conflit électrique n’est pas renfermé dans le fil conducteur, mais qu’il a autour de lui une sphère d’activité assez étendue.

    On peut aussi conclure des observations, que ce conflit agit en tournoyant car, sans cette supposition on ne comprendrait pas comment la même portion du fil conjonctif, qui, placée au-dessous du pôle magnétique, porte l’aiguille vers l’orient, la pousserait vers l’occident lorsqu’elle est au-dessus de ce pôle. Mais telle est la nature de l’action circulaire, que les mouvements qu’elle produit ont lieu dans des directions précisément contraires aux deux extrémités d’un même diamètre. II parait encore que le mouvement circulaire, combiné avec le mouvement progressif dans le sens de la longueur du fil conjonctif, doit former un genre d’action qui s’exerce en hélice autour de ce fil comme axe. Toutefois cette remarque ne contribue nullement à l’explication des phénomènes observés dans un ouvrage publié il y a sept ans, que le calorique et la lumière composaient le conflit électrique. On peut conclure légitimement des observations que je viens de rapporter, que ces effets ont lieu par des mouvements giratoires, je me persuade que ces faits peuvent contribuer à éclaircir ceux qui ont rapport à ce qu’on appelle la polarité de la lumière.

    Source: Sciences et technologie en images | CC

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