Un jour, peut-être, les robots seront si évolués qu’il sera nécessaire d’en « commander » les bataillons au sens militaire du terme… Heureusement, nous n’en sommes pas là, et le verbe « commander » doit ici être compris au sens de l’automatique. Il s’agit de synthétiser et mettre en œuvre des algorithmes mathématiques pour permettre à un système physique de se comporter comme le désire son opérateur. Et c’est déjà tout un programme !
Quelle commande pour quels robots ?
Commander un robot, fort modestement, consiste ici à s’intéresser à la seule exécution des consignes (notion que nous préciserons par la suite), c’est-à-dire sans faire référence à une quelconque intelligence ou autonomie décisionnelle du robot.
Mais le monde des robots est peuplé de nombreuses espèces qui diffèrent par leur taille (du nano-robot à l’engin de chantier), leur structure, et donc par les mouvements qu’ils sont susceptibles d’effectuer, par exemple pour se déplacer. Ainsi, un robot mobile à roues ou à chenilles ne se pilotera pas de la même façon qu’un hexapode, un quadrupède ou un humanoïde.
Si, comme dans la nature, le problème de la locomotion des robots a donné lieu à des solutions conceptuellement extrêmement différentes, le mouvement des bras chez les robots s’effectue au contraire à l’aide d’un petit nombre de structures mécaniques articulées généralement assez semblables. C’est pourquoi nous nous intéresserons exclusivement à celles-ci au cours de ce petit voyage dans le monde de l’automatique, périple qui nous permettra d’admirer au passage quelques jolis paysages dans les domaines de la géométrie, de la mécanique classique et des équations différentielles.
Bouger les bras
Il existe différentes raisons qui nous font exécuter des mouvements avec les bras, de façon volontaire ou non : par exemple s’équilibrer en marchant, faire des signes de la main, attraper un ballon, se protéger d’une chute, écrire, jouer d’un instrument… La dextérité, la force, la précision, la vitesse requises sont à chaque fois différentes, et, pourtant, ce sont les mêmes dispositifs qui sont utilisés à chaque fois : bras et mains, affublés parfois d’un « outil » externe supplémentaire, et cela, avec une admirable et optimale utilisation des ressources disponibles, muscles, squelette et sens.
La commande d’un bras de robot, même si ce dernier est moins mobile qu’un bras humain, sera soumise au même impératif : comment utiliser au mieux un dispositif donné pour réaliser des tâches suffisamment variées ? Dans le cas d’un robot, ce problème sera résolu simplement en tentant de séparer explicitement les deux aspects : d’une part, spécifier une « tâche » à effectuer dans un espace adéquat, et d’autre part, faire bouger un système mécanique articulé en connaissant ses propriétés dynamiques. Commençons donc par ce dernier aspect.
Qu’est-ce qu’un bras de robot ?
Sur le plan technologique, un bras de robot classique est constitué d’un assemblage de segments reliés par des articulations, elles-mêmes généralement motorisées. Les robots industriels (parfois appelés bras manipulateurs) distinguent souvent la partie « porteur », qui réalise de grands déplacements dans l’espace, de la partie « organe terminal », constituée de préhenseurs ou d’outils amovibles, installés sur un poignet articulé.
Les liaisons sont des articulations soit rotoïdes (elles permettent d’effectuer un mouvement de rotation autour d’un axe), soit prismatiques (elles permettent un mouvement de translation le long d’un axe). Les « muscles » du robot, ses actionneurs, utilisent une énergie électrique, hydraulique ou pneumatique, et les forces et mouvements produits par les moteurs sont transmis aux articulations par divers dispositifs : réducteurs à engrenages, vis à billes, bielles, courroies ou tout autre système issu de l’imagination fertile des concepteurs.
Dans la terminologie de la mécanique, un bras de robot constitue une chaîne cinématique, qui peut être simple (les articulations se suivent une à une, comme dans le bras humain), ou arborescente (il existe des branches indépendantes, comme les doigts dans une main), ou même présenter des boucles, c’est-à-dire des sous-ensembles mécaniques refermés sur eux-mêmes (comme c’est le cas pour ma lampe de bureau).
Mais quelle que soit l’architecture considérée, et avant même de vouloir faire bouger ce robot, il importe de savoir comment le repérer, c’est-à-dire caractériser d’une manière géométrique sa position et sa relation à la tâche à accomplir. Et ce n’est pas aussi simple que l’on pourrait le croire.
Ainsi, lorsque je me penche pour ramasser la pomme que je viens de faire tomber, mon corps adopte une certaine forme, la « posture », qui est la solution d’un calcul d’optimisation réalisé implicitement par mon système nerveux. Et si je suis perclus de rhumatismes, la posture adoptée sera certainement différente de celle choisie si je suis champion de France de gymnastique, alors que la tâche effectuée est identique. Ceci montre qu’en l’espèce, il existe plusieurs solutions au problème posé. Il apparaît ainsi à nouveau la nécessité de séparer la spécification de ce problème de sa résolution par un système robotique.
Source: interstices.info | CC